Je
me souviendrai longtemps de ce samedi 7 aout 2010, une journée d'été
comme on peut en avoir chez nous, météo incertaine, risques d'averses
annoncées, mais le beau se maintient.
Je suis à la maison ce matin, le rendez vous est pris pour 15 heures
cette après midi, aérodrome de Cerfontaine au nord de Dinant
Philippeville, juste a coté des lacs de l'eau d'heure. Vers midi, mon
mobile sonne, je suis dans le bureau, pas le temps d'arriver - je
rappelle immédiatement, une voix qui m'est familière mais que je n'ai
plus entendue depuis plus de vingt ans me répond, "Salut Jean-Charles,
c'est Etienne ... " la conversation continue, le rendez-vous est
confirmé, il sera à Cerfontaine toute l'après midi.
Je termine ce que j'ai en cours; 13h40 après un repas très rapide, je
suis Go, coordonnées GPS enregistrées, direction l'aérodrome de
Cerfontaine.
14h50 j'arrive, je vois le terrain, la clash est la (le cone a vent)
qui flotte dans la petite brise de cette après midi. Je me gare et me
dirige vers le bar de l'aéro club. Un soda en main je regarde démarrer
un Yak 52 blanc aux étoiles rouges et à l'immatriculation RA -. Pas de
trace de Janie, je pense qu'il doit etre en vol. Quelques instants plus
tard, je vois le Yak bleu sortir de derrière un hangar et taxier
derrière le blanc qui s'est engagé dans l'herbe. De loin je reconnais
Etienne, c'est bien lui qui est aux commandes. Les deux avions se
rejoignent en bout de piste pour le dernier check et ils décollent en
formation.
Les deux machines s'élèvent, virage large sur la gauche, ils
passent derrière la tour et le batiment de l'aéro club. Je les perds de
vue, mais le bruit des deux moteurs ne faiblit pas. Ils complètent le
180 par la gauche et reviennent plein pot sur l'entrée de piste à
1500 pieds a peu près. Ils piquent et c'est parti pour un passage bas
plein badin au dessus de la piste ... J'ai le Kodak en main ... Je
shoote comme je peux
Les deux avions se
séparent ensuite et partent chacun dans une direction opposée. Une demi
heure plus tard, Janie est de retour ...
Encore quelques cabrioles, passage dos avec fumigène .. Ca en jette
Sortie de train, approche finale
Et poser des roues
L'avion roule et va se ranger
derrière un hangar, le moteur s'éteint. Quelques minutes passent, mon
portable sonne et l'instant d'après on se retrouve à la porte du hangar
... Première émotion de l'après midi, plus de vingt ans se sont écoulés
depuis la dernière fois que l'on s'est vu et pourtant il me semble que
rien n'a changé. On se regarde, les souvenirs reviennent comme s'ils
dataient d'hier.
Rapidement Etienne m'explique
le topo, ce qu'il a prévu pour cette après midi. Encore un baptême,
puis il me propose de raccompagner en vol l'autre Yak venu en visite et
qui rentre sur Namur. "Tu as le temps" me demande-t-il? Ben tiens si
j'ai le temps, 20 ans qu'on ne s'est vu et je vais faire mon pressé
peut-être?
En plus l'idée de l'accompagner la-haut dans son zinc, franchement je ne veux pas rater ca.
Et c'est parti pour completer les pleins de 'Janie' pour ce baptême.
Vingt litres a gauche, vingt litres a droite et commence le briefing du
passger.
Il a compris, si ça se passe mal, pas dans l'avion mais dans le sachet ... :)
On recule 'janie' dans l'herbe et bientot le moteur gronde prêt à partir à l'assaut des nuages.
"Sois
ici dans une demi heure" me dit Etienne. L'autre Yak devait repartir et
son pilote semblait assez pressé. Par contre, pas habitué à la région,
il préférait se faire accompagner par un connaisseur.
17h20, le Yak de retour se fait entendre. Il est la en courte finale et
se pose bientôt. Cinq minutes plus tard, shutdown du moteur sur le
parking. Le passager descend, il a survécu.
Même rituel qu'un peu plus tot, vingt litres a gauche, vingt litres a droite, cette fois les réservoirs sont pleins a raz bord.
On prépare un petit plan de vol rapide avec le pilote de l'autre Yak,
décollage en formation, virage large à gauche en montant. On prend un
cap 330 environ, direction Namur et on monte gentiment à 4000 pieds.
Comme l'autre pilote n'a pas de grande expérience du vol en formation,
Etienne lui propose de s'essayer a un ou deux loop en formation avant
de s'approcher de Namur. Ensuite le Yak blanc se posera et on terminera
notre balade en solo.
Etienne m'aide a me sangler sur le siège arrière en m'indiquant ce à
quoi il faut faire attention. C'est une chouette machine ce Yak, mais
c'est du matériel Russe ne l'oublions pas et tout y est apparent,
tuyaux, cables, verins et j'en passe. Donc prudence ou l'on pose ses
pieds.
Meme roulement du Yak dans l'herbe, le pilote se sangle a son tour.
L'autre Yak met en route, Etienne le suit, un peu de 'prime', contact,
le moteur tourne.
Contact radio avec la tour, on est clear pour le taxi. Les deux
machines attendent quelques instants, les moteurs doivent prendre leur
température.
CHT dans le vert, l'avion roule et rejoint l'autre Yak sur le taxi.
On
salue les spectateurs sur la terrasse de l'aero club avant les derniers
engine check en bout de piste.
Clear take off, on s'aligne gentiment presqu'a cote de l'autre, plein pot, les RPM montent, lacher des freins, c'est parti ...
Et c'est la que les sensations reviennent, décollage en formation. Bon
sang c'est vrai qu'on est près dans le vol en formation. L'autre est
plus léger, il vole seul, on a un peu de mal mais on suit. Comme prevu
virage gauche en montant, ca me fait tout drole. Vingt quatre ans que
j'ai pas volé comme ça. Ca remue les sens. On est maintenant sur notre
cap, à 3500 pieds, on monte encore un peu.
Contact radio entre les deux Yak, on peut essayer le loop. On tire
gentiment 3,5G continu a dit Etienne. C'est parti, l'autre monte, on
suit, verticale, il tire, pas assez, ça passe pas. Shit, break.
On le laisse filer, on redresse. Contact radio, on rassemble. Cette
fois par la droite. Nouvel essai, en tirant plus fort cette fois, plus
constant. Voila c'est franchement mieux, presque parfait.
Namur est déja la sous nos ailes, on est passé. Un 180 nous amène en
downwind, contact radio avec la tour, sortie des roues, l'autre Yak va
se poser, il est arrivé.
Nous on ne se pose pas, on rentre les roues, bye bye Gerhardt.
Puis la Etienne me dit, bon on va se balader un peu. Tiens prend
l'avion ... Ouups ca me fait tout drole, vingt ans que j'ai pas pris un
manche. Le Yak vole bien, presque tout seul. Les sensations remontent
du passé Oooh combien lointain ... Et pourtant ... un peu comme le vélo
ca ne s'oublie pas ... Pas besoin d'y toucher mais instinctivement je
sens que mes mains cherchent le trim .. la manette des gaz .. look out
...
"Ca va" me demande Etienne dans l'interphone ... "sur que ca va". "Bon
on va faire un loop, je te montre et puis a toi." Aussitot dit aussitot
fait. On plonge un peu pour aller chercher les 300 km/h, un petit
palier et tirer 3,5G continu.
Sortie de boucle, "a toi maintenant".
J'essaie d'imiter mon instructeur du jour, 300, palier et tirer ... zut
réflexe encore, je rend un peu la main 'on top'. Le marchetti voulait
ca, pas le yak, donc la boucle s'ovalise un peu. Pas grave on
recommence. C'est mieux cette fois, 3,5 - 4G continu, un leger voile
noir ... c'est con mais ca fait plaisir a ressentir ... ca fait
si longtemps ..
Ensuite on enchaine avec diverses figures, tantot Etienne tantot moi
aux commandes. Jusqu'a plus soif ... Enfin facon de parler.
C'est l'organisme qui commence à rechigner a continuer. Bon encore un
renversement barriqué puis on rentre.
Un peu de straight and level, ca fait du bien aussi. Cerfontaine est la
devant, le temps se couvre et le soir tombe doucement. A ma montre
19h30. Oouch ca fait presque une heure et demie qu'on est en l'air ...
Que ca passe vite.
Rapide call radio avec la tour de Cerfontaine, un para drop est en cours, on doit attendre cinq minutes qu'ils se posent.
On est clear pour se poser, Etienne me dit "je vais encore faire un
petit truc, ca va aller ?". "pas de souci vas-y".
Passage bas, montée rapide, passage dos, virage serré, je perds
mes repères. La piste est la en dessous, on est en downwind et on vient
de dessiner un coeur avec le fumigène ....
Train sorti, verrouillé, on est en finale, trois vertes et témoins
d'ailes sortis. C'est bonnard. On touche , l'avion roule.
On entend le pchhhht pchhht des freins pneumatiques qui
s'actionnent. On roule doucement jusqu'au parking, arrêt devant
le hangar, un coup de boost avant extinction totale et le
claquement du moteur fait place au silence.
C'est le moment de descendre. Tout tourne encore dans ma tête, et
l'estomac aussi. Mes gyros internes ne se sont pas encore stabilisés.
Plus l'habitude moi.
Mais le temps commence vraiment a se gâter et il est temps de rentrer
notre monture dans son hangar et de la conditionner pour y passer la
prochaine quinzaine. Le soir tombe et nous nous retrouvons au bar
à évoquer nos souvenir et combler le trou de vingt ans qui nous a
séparés. Famille, boulot, anecdotes, les joies, les
galères, on met un peu tout en vrac sur la table. 22h30 déja, il
est temps de penser a rentrer. On se quitte sur le parking en se
promettant de se tenir au courant et de se revoir bientot.
Après une journée comme ca, on ne peut vraiment pas en rester la. Promis on se contacte et on se revoit bientot.
J'ai vraiment passé un moment formidable en compagnie d'un copain de
longue date que je suis heureux d'avoir retrouvé. En plus il m'a fait
un cadeau formidable, ce vol dans son avion avec lui, c'était vraiment
géant, une secousse sismique dans mes souvenirs. J'en ai été tout
secoué pendant plusieurs jours.
Merci Etienne et a très bientot.